Audrey Doisne

Designer produit

Objets affectés

Le designer peut-il réintroduire de l’affectivité dans un univers contemporain complexe, entre peur du bug et froideur des nouvelles technologies?

Les nouvelles technologies ont révolutionné nos vies par rapport à celles de nos ancêtres, en leurs apportant régulièrement des bouleversements et des mutations observables en premiers lieu dans l’habitat. À travers les siècles, de nombreuses évolutions ont bouleversés les rapports sociaux au plus profond des pratiques domestique au point de créer de nouvelles relations entre l’homme et ses objets. Il semble intéressant d’orienter cette approche vers les objets affectés puisque ce sont ceux avec lesquels nous entretenons le plus de liens. On peut se demander qu’est-ce qu’un objet affecté et comment pouvons nous le mettre en relation avec les technologies contemporaines?

L’objet affecté est constitué de trois principaux degrés dans la relation sujet/objet.

  • Dans un premiers temps, il est caractérisé par la modification d’une chose ou d’un être, par exemple la transformation d’une chose en instrument: c’est l’appropriation d’une matière par l’Homme en lui appliquant une marque, en la gravant, en la sculptant, etc.
  • Dans un second temps, il désigne une fonction, un usage déterminé attaché à quelqu’un ou quelque chose, il propose un service (c’est l’affectation).
  • Enfin, il détermine l’impression élémentaire d’attraction ou de répulsion qui est à la base de l’affectivité.

Le terme «d’affectivité», désigne, l’aptitude à être touché, c’est la faculté d’éprouver, en réponse à une action des sentiments ou des émotions. Ainsi, il nous arrive de penser qu’un objet peut «causer» le bonheur éprouvé, comme l’eau bouillante peut «causer» une brûlure de la peau. C’est à partir de cette dernière notion que le designer pourra construire sa réflexion.

De nos jours, on perçoit un déséquilibre et un dévoiement des fonctions multiples de l’objet, les biens deviennent immatériels, impersonnels, d’une faible durée de vie et d’une confiance incertaine du fait de leurs complexités. Par conséquents les rapports fondamentaux que nous entretenons avec les objets sont fourvoyés, l’objet dans sa valeur sociale et culturelle n’est plus tant utilisé pour nous situer et nous intégrer dans une société, que pour nous valoriser à excès. Du fait de leurs complexité excessives les technologies actuelles ne détiennent plus d’affectivité.

On peut alors se demander comment le designer pourra réintroduire de l’affectivité dans notre univers contemporain?

L’approche de l’affect consiste à réfuter la vision strictement matérialiste des objets dans la société pour prendre en compte son aspect psychique, la variété des statuts, des rapports sujets/objets, des valeurs et des changements de perception subis par les objets au cours de leur existence.

Ces multiples variations, que chacun peut constater dans son propre milieu et sa propre vie, nous apprennent quelque chose sur les sociétés, sur les rapports des hommes avec leur environnement matériel, mais aussi sur le rapport des communautés à leur passé et sur leur gestion de la mémoire.

Dès lors, comment l’objet peut-il acquérir la confiance de l’utilisateur pour ensuite créer une connexion, un partage en recréant de la matérialité dans un univers de plus en plus virtuel, et symboliser le lien entre les individus en répondant aux problématiques de transmission dans un univers technologique?